L’ARCHÉOLOGIE 

Durant la seconde moitié du XXe siècle, la recherche archéologique de terrain fut une activité majeure de la Physiophile, pratiquée en toute légalité sous la tutelle de la DRAC par nos équipes de bénévoles. Depuis 1993 les autorisations de fouilles ne sont plus accordées qu’à des professionnels (essentiellement de l’INRAP). L’archéologie reste cependant sporadiquement d’actualité au sein de notre association, mais sous d’autres formes. Les articles archéologiques fréquemment publiés dans notre revue en sont le meilleur témoignage.

LA PRÉHISTOIRE ET LA PROTOHISTOIRE

Trois articles seulement abordent ce sujet entre 1925 et 1928 ; l’activité de la société en Préhistoire ne prendra son véritable essor qu’au début des années 50 sous l’impulsion de l’amateur passionné qu’était Henri Parriat.

* DE CHASSEY AU VAL DES MERVEILLES

Des fouilles systématiques furent menées à bien, soit sur des sites de grande renommée comme le camp de Chassey, soit sur des sites d’importance plus modeste comme la grotte de Souhait à Montagnieu ou celle du Mopart à Saint-Benoît. Des récoltes de pierres polies et de silex taillés furent effectuées à la surface des champs cultivés, des gravures répertoriées et classées (site du Val des Merveilles dans les Alpes de Tende), des collections décrites et étudiées. La faune préhistorique ne fut pas négligée non plus (Grotte de la Mère-Grand à Rully)… Tous ces travaux, portant sur une période extrêmement étendue, firent l’objet de nombreux articles de qualité publiés régulièrement dans le bulletin entre 1951 et 1975. Si H. Parriat assura l’essentiel du travail au cours de ces 24 années, il bénéficia de l’aide de collaborateurs compétents et dynamiques comme, entre autres, Roger Perraud, Maurice Bonnefoy ou René Laugrand. D’autres auteurs extérieurs à l’association publièrent également quelques articles : René Horiot, Pierre Abauzit, Hughes Vertet sont de ceux-là. Parmi les premiers assistants d’H. Parriat, l’un d’eux, René Desbrosse, devint un éminent spécialiste du Paléolithique supérieur. Saluons également le talent de collaborateurs modestes et efficaces qui surent mettre au service de la science préhistorique leur don de dessinateur. Les dessins de Melle Krzepkowska sont un modèle du genre.

* LE MÉGALITHISME

Après 1975, le rythme des recherches en Préhistoire s’est quelque peu ralenti. Mais les prospections de surface ont repris, et quelques sondages ponctuels au pied des menhirs ont été réalisés. De nouveaux chercheurs ont pris la relève et rédigé certains articles parus dans notre revue. La magistrale synthèse de Louis Lagrost (1938-2022) sur le mégalithisme bourguignon, récemment publiée par notre association, en constitue le témoignage le plus probant.

L’ÉPOQUE GALLO-ROMAINE

Les découvertes fortuites d’objets ou de sites gallo-romains, abondants dans notre région, ont toujours été signalées dans les pages de notre revue, le plus souvent sous forme de notes archéologiques, parfois d’articles plus étoffés. En 1953, un style nouveau apparaît : H. Parriat signe le premier compte-rendu de fouilles. Une véritable équipe de chercheurs se constitue. Plus ou moins régulièrement renouvelée, elle apporte un dynamisme nouveau à l’association en multipliant les campagnes de recherche sur le terrain. Et c’est ainsi que progressivement les travaux de La Physiophile ont fait autorité en la matière. L’affinement des connaissances et des techniques d’investigation a conduit à une spécialisation de plus en plus poussée. En étroite relation avec le Ministère de la Culture et les différents laboratoires du C.N.R.S., l’équipe des romanistes a su s’adapter et a continué ses travaux de terrain jusqu’en 1992, date à partir de laquelle nos fouilleurs ont commencé à dénoncer l’extermination programmée de l’archéologie de proximité. La portée scientifique de nos résultats est devenue si grande que nous avons parfois été contraints d’abandonner les pages de notre revue au bénéfice de publications archéologiques spécialisées et diffusées au niveau international.

* HABITATS ET TOMBES

Parmi les fouilles gallo-romaines les plus mémorables, on peut citer celles de la villa de Villerest, près de Cluny, ou de la bourgade rurale du Portus à Collonges-en-Charollais (dont on peut avoir un aperçu au « Grenier à Sel » à Mont-Saint-Vincent). Nombreux sont cependant les montcelliens qui ont fait leurs classes archéologiques sur les tombes à inhumation et incinération de Briord (Ain), en fréquentant chaque année au mois d’août un camp bien sympathique.

Briord 1963 : J.P. Lobereau, J.P. Notet, G. Duban, J.C. Notet, J. Gaffodio
* LES POTIERS DE GUEUGNON wikipedia.org/Atelier_de_poterie_antique_de_Gueugnon

En céramologie gallo-romaine, la palme revient sans conteste à l’atelier de Gueugnon qui, grâce à une fouille inscrite au programme H.14 du C.N.R.S. et à une collaboration entre la Physiophile et notre consoeur gueugnonnaise « Les Amis du Dardon », a livré chaque année, de 1966 à 1992, ses inestimables richesses enfouies. Une soixantaine de fours de potiers ont été détectés et fouillés. Ils servaient à cuire des amphores et des cruches au Ier siècle, puis de la céramique à glaçure rouge ornée, la sigillée, ainsi que des figurines en terre blanche aux IIe et IIIe siècles. Un four à tubulures unique en son genre, a servi de modèle pour procéder, en 1998, à une cuisson expérimentale à l’archéodrome de Beaune. Des vases fabriqués à Gueugnon ont été retrouvés jusqu’en Angleterre ou en Suisse. La céramique -et particulièrement la sigillée- constitue pour l’archéologue l’un des meilleurs fossiles chronologiques : on comprend donc aisément l’intérêt que peut présenter l’étude d’un tel centre producteur, surtout quand il s’agit du plus important de Bourgogne ! Il faut enfin savoir que de nombreux objets issus de ces fouilles sont exposés au Musée de la céramique à Digoin ainsi qu’au Musée du Patrimoine Gueugnonnais à Chazé (Gueugnon) ; ils complètent un « Archéosite » (restauration prévue en ?) où des fours et autres structures d’atelier sont conservées in situ en plein air (ré-enterrés pour l’instant).

* LES FIGURINES DE BOURBON-LANCY

En 1986, une fouille de sauvetage intensive a été conduite à Bourbon-Lancy, où des restes d’un centre de fabrication mais surtout de création de figurines en terre blanche du Ier siècle (plus grandes que celles de Gueugnon), ont été exhumés. Leur étude, publiée dans le n° 25 des D.A.F. (Documents d’Archéologie Française) permet d’appréhender certains aspects jusqu’à présent ignorés de la vie des gallo-romains, par exemple les preuves d’une exportation des figurines de Bourbon jusqu’en Rhétie. Les découvertes sont maintenant exposées au musée de site du Plan d’eau à Bourbon. Outre l’aqueduc thermal souterrain du Ier siècle particulièrement bien conservé, le potentiel archéologique toujours enfoui dans le sous-sol de la cité est tout bonnement extraordinaire.

HAUT MOYEN ÂGE ET MOYEN ÂGE

La connaissance que nous avons de la période dite des grandes invasions (Ve-VIIe s) repose sur nombre de préjugés tout droit sortis de l’imagerie traditionnelle du XIXe siècle où l’on voit de sanguinaires barbares asservir des gallo-romains raffinés et décadents. La réalité est tout autre puisque la victoire des Francs est surtout due, sans négliger pour autant leur valeur militaire, à leur faculté à composer avec les groupes les plus dynamiques et influents (évêques notamment) de la société gallo-romaine finissante.

* LES NÉCROPOLES

L’archéologie historique du Haut Moyen Âge est essentiellement basée sur la fouille des nécropoles (les vestiges d’habitations surtout faites de bois et de terre sont rares et difficiles à mettre en évidence). Parmi les sites étudiés par La Physiophile, citons les cimetières de Briord (Laugrand, Parriat, Perraud), St-Clément-sur-Guye (Gaillard de Sémainville, Parriat). La nécropole d’Argilly en Côte d’Or (Chopelain, Gaillard de Sémainville, Maerten), a livré 230 tombes, toutes orientées Est-Ouest et sommairement aménagées (entourage de pierres) ; la nécropole est implantée sur les ruines d’une villa gallo-romaine (l’une des plus vastes de Bourgogne) et en a utilisé certains éléments (sol en béton et murs). L’inhumation habillée (vêtements et parures : fibules, plaques-boucles) est couramment pratiquée, ainsi que le dépôt funéraire (vase aux pieds essentiellement).

* LES ÉTUDES ANTHROPOLOGIQUES

Outre l’étude des objets à des fins chronologiques, stylistiques et technologiques, un autre aspect essentiel des recherches repose sur l’étude des ossements (laboratoire d’Anthropologie de la Faculté de médecine de Caen : Professeur Dastugue) qui permet d’apporter une moisson de renseignements d’un grand intérêt : âge et sexe, groupes familiaux et ethniques, pathologie et maladies de l’époque. Datée dans l’état des recherches de la fin VIe – fin VIIe s, cette nécropole mérovingienne d’Argilly, l’une des plus importantes fouillées en Bourgogne, est venue enrichir la connaissance que nous avons de la civilisation du Haut Moyen Âge dans notre région. Signalons aussi dans ce domaine, les recherches de notre ami le Dr J. Clère.

* LA CASTELLOLOGIE

L’étude des sites défensifs a été abordée à l’occasion de fouilles de sauvetage. Trop souvent les mottes, maisons fortes et châteaux de pierres sont victimes des travaux d’aménagement du territoire. Nombreux ont été les sites castraux partiellement ou entièrement détruits (Montcenis, Sanvignes). Plusieurs administrateurs de la Physiophile sont des membres éminents de l’association consœur CeCaB (Centre de castellologie de Bourgogne), qui a élaboré un répertoire des chateaux et maisons fortes de Bourgogne. Des fouilles, malheureusement trop restreintes et hâtives, ont été réalisées localement à l’emplacement de trois châteaux de pierre : Montchâtel à Marly-sur-Arroux, Suin et Uchon, ainsi que sur une motte à Savigny (Blanzy). Les informations tirées de ces recherches sont d’inégales valeurs mais toutes ont constitué une première approche de la connaissance directe de la culture matérielle.

* LA CÉRAMIQUE

La céramique médiévale, par sa présence systématique sur tous les sites d’habitats, permet d’entreprendre des études économiques sur sa production et sa diffusion, des recherches sur l’origine des argiles et les évolutions au sein d’un même site producteur. L’avenir reste donc ouvert aux travaux historiques sur la société rurale au Moyen-Age, mais paraît beaucoup plus fermé aux travaux archéologiques.

L’ARCHÉOLOGIE AÉRIENNE

L’archéologie aérienne a occupé une place de choix parmi les méthodes de prospection préalables à la fouille. L’un des pionniers dans cette spécialité fut le dijonnais René Goguey, fondateur du CRRAB. Elle s’est beaucoup développée en Bourgogne, surtout après 1992, puisqu’elle reste la seule approche de l’archéologie -de plus en plus onéreuse au demeurant ! – encore permise aux bénévoles. Nous ne saurions passer sous silence un ersatz moderne gratuit maintenant très utilisé : les vues satellitaires fournies par internet (Google Earth par exemple).

Les anomalies dans la croissance des végétaux, les différences de coloration des sols sont autant d’indices révélateurs de sites enfouis, indécelables lors de simples prospections au sol. L’effet de recul offert par l’observation aérienne à certains moments propices de l’année permet la localisation précise de structures arasées d’anciens habitats. Les fossés comblés (cernant per exemple les sites défensifs ainsi que les espaces funéraires) peuvent de même apparaître de façon fugitive lors de conditions climatiques favorables (sécheresse). Les moyens aéronautiques employés pour mener à bien cette entreprise ont été et sont toujours ceux fournis par les Aéro-clubs de proximité (du Bassin Minier, implanté sur la commune de Pouilloux). La réalisation de photographies obliques à basse altitude est obtenue de façon commode à l’aide d’appareils petits formats numériques et la position est repérée par GPS. Deux types de prospections aériennes sont effectuées : des missions aléatoires, dont les résultats fluctuent au gré des conditions climatiques, et des missions commandées sur des sites particuliers déjà répertoriés. Une recherche thématique sur les fortifications de terre médiévales a été étendue aux régions brionnaise et bourbonnaise, ainsi qu’une recherche exhaustive sur l’occupation du sol perçue dans la longue durée. Les survols à répétition de la vallée de l’Arroux ont permis de localiser avec une grande précision, la grande voie romaine Autun-Clermon (cf. Physiophile n° 144) sur une dizaine de kilomètres.  Enfin il semble opportun de signaler ici, les lourdes menaces que font peser sur les sites archéologiques les divers travaux agricoles, routiers et autres. Il importe de réaliser au plus vite l’inventaire des sites (mais sans trop divulguer leurs localisations précises pour éviter les pillages) afin de pouvoir conduire, le cas échéant, des fouilles scientifiques dans des délais raisonnables. La sauvegarde de notre patrimoine archéologique est à ce prix.

Le coût des heures de vol étant devenu exorbitant, cette activité est avantageusement remplacée, dans les milieux professionnels, par l’utilisation de drones équipés de caméras HD. Le pilotage de ces engins est toutefois soumis à d’autres  autorisations très encadrées.

L’ARCHÉOLOGIE INDUSTRIELLE

Dernière née des disciplines archéologiques, l’archéologie industrielle est particulièrement adaptée à notre région puisque l’industrialisation y a laissé nombre de vestiges d’un grand intérêt (canal du Centre, exploitation minière, cités ouvrières dont notamment celle de la Combe aux Mineurs au Creusot une des plus anciennes encore conservée en France, etc…). Ces sites, dont certains sont protégés ont suscité d’abondantes études, notamment dans le cadre de l’Ecomusée du Creusot – Montceau-les-Mines (ce qui fait d’ailleurs de notre région une des régions pionnières pour les études de ce type en France).

Bien moins connue, l’industrie rurale mérite qu’on lui porte un intérêt accru. Les industries céramiques font l’objet d’études : tuileries et tuiliers du XVIIIe s. dans le Charolais (Viry-Mornay, Blanzy, Montcenis…) dont certaines productions (carreaux avec marques de fabrique) sont parfois présentées en exposition. De même, les vestiges des forges du Verdrat (Mornay) mériteraient une étude approfondie qui améliorerait la connaissance que nous avons de cette période. Signalons les recherches ethnologiques de Thierry Bonnot, dans le cadre de l’Écomusée et du CNRS, consacrées aux productions des anciens sites de la « vallée de la céramique » (vallée de la Bourbince, de Digoin à Écuisses).

L’ATELIER DE RESTAURATION DES OBJETS

L’atelier de restauration de la Physiophile, inauguré en 1979 dans notre ancien local, évitait le recours onéreux aux laboratoires extérieurs et permettait à notre spécialiste Yves Billard, dûment formé, de traiter sur place certaines pièces fragiles découvertes en fouille (objets métalliques, en fer et en bronze surtout). La masse impressionnante des tessons retrouvés sur l’atelier de Gueugnon a également été traitée dans notre atelier.

L’arrêt des fouilles de terrain s’est traduit inévitablement par la cessation des activités de restauration, et notre déménagement aux Ateliers du Jour a conduit à la fermeture définitive de notre laboratoire de restauration. 

FALLAIT-IL RÉFORMER ?

Depuis 1992, suite à la promulgation de la nouvelle loi sur l’archéologie, les fouilles qui étaient pratiquées presque gratuitement  par les associations de bénévoles  (mais aussi par le CNRS et les universitaires), ont été professionnalisées et réservées à des milliers (2 396 collaborateurs au 31 décembre 2023) de salariés (ingénieurs pour la plupart) d’un organisme monopolistique national, l’INRAP (ex association  AFAN ). L’INstitut de Recherche Archéologique Préventive assure des diagnostics et partage les fouilles préventives avec quelques sociétés privées, en envoyant des factures souvent démentielles aux aménageurs, tant publics que privés. Les bénévoles sont restés subitement et malheureusement sans avenir ; les « autorisations de sauvetage ou de sondage » qui leur étaient accordées font maintenant partie du passé et la collaboration avec les professionnels n’a jamais vraiment été acceptée par ces derniers ! 

On ne peut que rester perplexe devant les conséquences culturelles et économiques de ces modifications, conséquences qui étaient prévisibles et que les bénévoles du CDRA71 n’ont jamais cessé de dénoncer.

Économiques : La gestion actuelle de l’archéologie (budget de 191 millions d’euros en 2023 attribué à l’INRAP) contribue assurément à l’accroissement du déficit abyssal et de la dette publique observé en 2024 (les bénévoles intervenaient, eux, pour une bouchée de pain)…

Socio-culturelles : La jouissance et l’exploitation des patrimoines locaux sont interdites maintenant aux  « acteurs de proximité » qu’étaient les bénévoles, pourtant reconnus par leurs pairs, mais qui ne peuvent plus accéder à leur propre passé.  La surveillance sur le terrain n’étant plus assurée par nos bénévoles, le pillage ou le massacre silencieux des sites patrimoniaux non classés est devenu monnaie courante. Parallèlement, du fait des tracas administratifs, des retards et des frais considérables liés aux déclarations, les aménageurs passeront sous silence certains sites, qui disparaîtront ! 

L’archéologie devrait rester accessible à tous, en particulier à la jeunesse. Toute initiation et toute pratique sont devenues impossibles (alors que jusqu’en 1992, plusieurs centaines de jeunes gens de la région, en mixité sociale, sont venus à la Culture grâce aux travaux menés par La Physiophile), ce qui contribue à la désertion de nos associations et menace à court terme leur pérennité.  Pour tenter de lutter contre les déficits financiers et contre la violence et le désoeuvrement juvéniles qui explosent, il faudrait proposer le maximum de saines occupations bénévoles à nos jeunes gens… et donc réouvrir les portes des chantiers bénévoles !

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